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"Palimpseste"

(Par-avant 38, Encres délibérées)

         Il faut sombrer, se disait-il. Le puits des cris est au-delà du sommeil. L’atteindre est une errance dont on ne connaît pas l’issue, dans une lente traversée hypnotique qui d’un coup se déchire. Ou pas.

 

       Les mots sont vivants. Ils courent à vue d’œil, échappant parfois à toute prise. Leur reconnaissance est fragile. Les mouvements de l’encre, tantôt fluides tantôt épais, sont des flots incessants sur lesquels se réverbèrent, à l’envers, les mots courants. Dans quel sens lutter ?

 

      Au-delà de la lecture, il tente de remonter plus loin, de retrouver l’avant. Là où les mots ne sont pas encore formés, petites cordes, chanterelles multiples, tortis indéchiffrables qui deviendront au gré d’une force intruse des enroulements volontaires, des tracés têtus que l’œil complice saura lier.

 

    Chaque phrase peut bifurquer, à un mot près, en écho avec une autre, déjà écrite, qui revient en mémoire, lointaine et obsédante, parasiter le chemin frais qu’il tente d’inscrire. C’est alors un fouillis de possibles qui s’emmêle, s’épaissit et il lui faut s’en tenir, en toute lucidité, à ce qu’il croit être la trace la plus récente, brillant là sur le mur.

        En définitive, un pâle geste choisi, au lieu des cents battus.

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