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"Volute"

(Par-avant 26, Encres délibérées)

        Il dit, épuisé : ne pas savoir ce qui apparaîtra à l’avance, c’est ce qui peut effrayer bien sûr. Cet inconnu vers lequel on va et qu’on a la sotte prétention de vouloir tenir, contrôler peut-être. Etre sûr qu’il soit toujours viable, qu’il aura quelque chose à lui qui le définisse, qui fasse, même, qu’en dépit de tout on s’y attache. Qu’il laisse une trace quelque part.

Ne pas savoir ce qui apparaîtra à l’avance, c’est ce qui fascine, répète-t-il. Cet inconnu vers lequel on se laisse guider, en confiance, parce que la trace est à l’intérieur et qu’on la découvre en tâtonnant.

 

    Le musicien apprivoise son archet, le sculpteur la terre. Le danseur assouplit son corps. Que fait l’écrivain ?

 

        Aujourd’hui n’est peut-être pas le bon jour. Ses doigts sont gourds et il n’arrive à rien. Son corps est plié, sans issu devant la page lisse, butant contre l’écran pâle, dans une tension intérieure qui verrouille tout, rien ne passe. Les mots ne se délient pas toujours dans une langue claire. Ils viennent parfois comme dans un coupe-gorge – sauvagement, puis furtifs, plus rien. Et le calme retrouvé laisse crisser un silence de sable, menaçant, au fond de son crâne vide. Plus rien.

 

        Une volute chaude au creux de la main.

        Une volte mal finie qui a tout absorbé.

 

     Dans des couleurs chaudes très douces, apparaît le sourire étrangement triste d’un violoncelle qui aurait tout donné pour être un violon. La matière de sa peine dilue son visage, qui finit par ressembler un peu à celui du mime Marceau. La matière se dilue mais elle ne disparaît pas.

 

        Il passera sa vie à se rêver en Guadagnini.

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