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"L'orage"

(Par-avant 12, Encres délibérées)

     D’un effleurement de l’écran j’entre dans la matière. Jamais elle n’a paru si serrée, dense. La laine colorée acidule tous les maillons, de près ça rutile comme de la tôle froissée de tous côtés, des pierres infiniment précieuses cachées dans les replis de toutes ces fibres, des lettres noircies, rouillées qui courent, elles, verticalement, sans se soucier d’être lues, glissant dans la moindre anfractuosité, jouant des contrastes. Ça grouille de partout, et ça avance de gauche à droite, dans un mouvement d’orage, un bruit  de fond de gorge, un soir d’été. Il recouvrira bientôt la page blanche et vulnérable comme un linge d’étamine.

       Devant, claudique un énergumène qui retient son chapeau, redingote au vent. Il fuit à l’approche de la tornade qui l’engloutira s’il n’a pas le temps d’être vu, de couper le fil, gagner la marge, pour vivre sa propre histoire – d’un saut de biche il pourrait bien se détacher, mais pour aller où ?

     Sur les parois du puits, les cris sont des murmures qui s’échappent, appellent en griffonnant contre l’orage, à quelques centimètres tout contre, un filon d’histoire qui ne demande qu’à vivre.

 

        L’orage refond tout sur son passage. La matière est là, à démêler. 

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