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TextIle 5

Photo : Exposition  Intramuros 2 ( Octobre 2014 )

     Les longues promenades dans les sentiers côtiers sont là pour favoriser ce recentrage. La terre aride, couverte d’une bruyère fleurie d’ajoncs et de prunelles qui vous dardent de leur regard pur, oppose sa résistance farouche aux tentatives répétées de l’esprit d’échapper au corps qui l’accueille.

     Reste en toi, trouve ton espace du dedans, écoute ton souffle quand tu descends, cramponné à une corde humide, la sente étroite et terreuse, masquée sous les ronces, jusqu’à une plage qu’on aurait cru de cendre grise, vue du ciel, et qui se révèle recouverte de plusieurs draps de cailloux doux et bleus. Allongé sur ces vagues successives de porphyroïdes, quelques rochers blancs émergeant de cette nuée ardente refroidie, affleurant ici ou là en d’étranges oreillers plissés, tu peux tout à loisir regarder le ciel d’un bleu étal, sans un froncement, si ce n’est de temps en temps l’aile d’un goéland. Si les pages étaient toutes de ce bleu si proche, combien il serait facile d’en parcourir les lignes invisibles, d’en retracer la luminosité. Le ressac régulier, au pied de la falaise, et le coucou qu’on entend au loin, ramené par un vent de terre, creusent un rythme lent, comme hors du temps, à cet îlot de lumière.

     L’épiderme, surpris par tant de chaleur, se risque hors des pulls et des parkas sombres, timidement,   il expose  sa  blancheur  d’hiver  à  ces tendres rayons, qui sentent les mercredis ensoleillés sous des pommiers fleuris. On peut s’endormir au creux du présent, le temps n’a pas de prise, et glisse sur ces cailloux de mer. Elle veille, bleue à n’en pas finir, pour que nul ne vienne effaroucher cette minute suspendue où on se laisse aller à sentir son souffle respirer au rythme des vagues. La main posée sur le ventre témoigne de cette magie, qui monte et descend dans une régularité de paix retrouvée. 

 

     Mais à bientôt quatre heures, à l’horloge des hommes, il faut repartir.

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